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L’IA dans la finance, les banques et assurances, en vaut-elle l’investissement malgré les défis ?

25 janvier 2023

La finance, les banques et les assurances sont des secteurs où l’IA peut avoir une forte valeur ajoutée mais pour lesquels les problématiques de sécurité et de confiance sont également importantes.

Lorsqu’on parle du secteur de la finance, l’image de la bourse reste très présente dans les esprits. Pouvoir prédire les fluctuations de la bourse est un rêve pour permettre de gagner beaucoup d’argent. A une époque où des algorithmes parviennent à réaliser des prédictions, l’image d’une IA permettant de prédire les fluctuations des cours reste alors opiniâtre pour le secteur. Cependant, la prédiction est loin d’être l’unique application de l’IA pour ce secteur.

Selon des études, le marché de l'IA dans les Fintech atteindrait en moyenne les 22 milliards de dollars en 2025, avec un CAGR autour de 23% (1). La finance, les banques et les assurances sont des secteurs où l’IA peut avoir une forte valeur ajoutée mais pour lesquels les problématiques de sécurité et de confiance sont également importantes. Ainsi l’intégration de l’intelligence artificielle y est un vrai défi.

Dans cet article, les opportunités de l’IA pour les secteurs de la finance, des banques et assurances seront présentées, avant d’aborder les risques en lien avec l’utilisation de cette technologie.

I. L’intelligence artificielle, une opportunité pour la finance, les banques et les assurances

La première étape pour la mise en place de l’intelligence artificielle est l’acquisition de la data. Or le secteur financier est expérimenté en la matière, les données sont nombreuses et y sont sécurisées. L’étape suivante est de chercher à exploiter ces données acquises pour permettre de les valoriser. C’est ainsi que l’IA prend tout son sens, pour assister grâce au Big Data les travailleurs de ce secteur à réaliser certaines tâches spécifiques qui vont être exposées dans la suite de l’article.

L’IA de soutien

Tout d’abord, une utilisation commune de l’IA pour les trois secteurs de la finance, des banques et assurances, est la pratique de personnalisation d’offres par le biais d’activités de conseil. Entre autres, l’IA est très efficace pour repérer des motifs qui se répètent et donc des profils clients qui se ressemblent. En apprenant les types d’offres qui sont proposés et qui fonctionnent le mieux pour un profil donné, l’IA va pouvoir faire des propositions personnalisées qui seront à même de correspondre au mieux au client. Cette innovation prend tout son sens dans l’assistance pour la gestion de patrimoine, la gestion d’actifs et l’investissement. Aussi, dans ce type d’activités, l’IA permet d’automatiser le traitement de documents, en remplissant certaines parties et en demandant des pièces supplémentaires qui faciliteront le travail des conseillers. Pour aller plus loin, dans le secteur bancaire la personnalisation des offres peut être couplée à du « credit scoring » qui est l’application d’une notation d’un client par une intelligence artificielle. Le travail d’évaluation d’un dossier client est réalisé automatiquement suivant un certain nombre de critères qui peuvent être appris par l’algorithme.

Comme abordé dans le paragraphe précédent, l’IA est utilisée dans les 3 secteurs pour réaliser également des tâches de soutien, c’est-à-dire d’automatisation de tâches à faible valeur ajoutée. Ainsi le pré-remplissage de documents est une tâche qui peut être réalisée par un algorithme et qui fait gagner un temps précieux aux collaborateurs. Les algorithmes peuvent également assister les êtres humains dans des activités d’aide à la décision. Effectivement, en étant en capacité d’analyser d’énormes quantités de données, les algorithmes peuvent prendre connaissance d’informations qui sont de grande valeur ajoutée et qui peuvent influencer des décisions. Ainsi, l’algorithme peut venir exposer des préconisations suite à une série d’analyses. L’objectif n’est pas de remplacer les humains mais de les aider, notamment en les assistant dans des tâches rébarbatives qui n’ont que très peu de valeur ajoutée, comme par exemple le tri de chèques dans le secteur bancaire (2).

L’IA de défense

Concernant les secteurs de la finance et des assurances, un enjeu majeur pour l’IA est la détection de fraudes. En effet, la prévention de celles-ci est un véritable cheval de bataille, avec des pertes sur les marchés financiers liées aux fraudes ou à des opérations hors des limites admises qui s’approximent à plus 40 milliards de dollars sur les dix dernières années (3). Pour donner un ordre d’idée, sur l’année 2011, l’Association of Certified Fraud Examiners (ACFE) a estimé la fraude à 3,5 milliards de dollars, soit en moyenne 5 % du chiffre d’affaires mondial. Lutter contre la fraude est donc un enjeu majeur ; et avec les capacités d’analyse de l’IA, il est possible d’imaginer des solutions automatiques de détection des fraudes qui assisteront les spécialistes dans leurs activités de prévention. Effectivement, l’IA est performante pour détecter les comportements qui sont différents des comportements habituels et surtout elle permet de faire simultanément des analyses sur de très grands nombres de dossiers. Par exemple, dans le secteur bancaire, Mastercard utilise des algorithmes de Machine learning (4) pour « vérifier en quelques millisecondes jusqu’à 160 millions de transactions et appliquer plus d’1,9 million de règles différentes pour examiner chaque transaction ». Ainsi, l’intelligence artificielle pourrait entre autres reconnaître des activités de blanchiment d’argent, des tentatives d’extorsion ou des indices de vol de codes bancaires.

Pour les secteurs de la banque, l’intelligence artificielle est également utilisée dans le renforcement des capacités de cyberdéfense, notamment pour détecter les attaques à l’encontre des organismes financiers. Alors que les hackers utilisent l’IA pour perfectionner leurs attaques et afin de combattre à armes égales, l’IA peut aussi être utilisée pour se prémunir des attaques informatiques. Concernant un secteur où la sécurité est centrale, notamment pour la protection des données, l’utilisation de l’IA comme outil supplémentaire dans la panoplie défensive est un atout non négligeable (5).

L’IA de gestion

Une autre utilisation de l’IA sur le plan stratégique concerne les activités de maîtrise des risques. L’IA participe à l’amélioration des éléments de contrôle du risque, qu’ils soient préventifs, détectifs ou correctifs. L’IA peut permettre de réaliser des veilles, d’étudier le contenu de documents et d’en extraire les informations les plus pertinentes. Elle permet également de réaliser des analyses de tendances qui peuvent permettre de détecter certains risques, comme des diminutions de volumes de marchés, des pénuries de ressources, des crises financières à venir, etc. Des alertes peuvent alors être automatiquement levées lorsque des signaux sont alarmants. L’IA aide à gagner du temps et peut limiter les erreurs d’interprétation, ce qui permet in fine d’améliorer la gestion des risques.

Également, pour le secteur des assurances, la gestion des sinistres peut être assistée par l’IA. Il est possible d’automatiser l’analyse de sinistre, l’indemnisation, la prédiction et même la déclaration ; l’IA permet d’optimiser tout le processus. Ainsi, il est possible de limiter les postes de dépenses des compagnies d’assurance avec un gain de temps et des déplacements en moins pour les experts. L’IA assiste également ces experts en permettant une meilleure analyse des données et une plus grande précision dans la gestion des sinistres (6).

Enfin, l’IA peut être utilisée sous la forme de « robots » qui vont permettre d’automatiser des tâches pour le compte des humains. Ainsi, dans les banques et assurances, les relations clients peuvent être en partie gérées par une intelligence artificielle, notamment grâce à l’utilisation de chatbots. Alors que dans la finance, ce sont les actions financières de trading telles que l’achat et la vente d’actions qui peuvent être automatisées à l’aide de programmes trader. Dans ces deux cas, l’humain peut être en supervision et peut intervenir à tout moment pour reprendre la main ou au contraire laisser l’algorithme gérer la tâche.

L’IA peut avoir de nombreuses applications pour les secteurs financiers, cependant nombre de ces utilisations poussent à s’interroger concernant la sécurité et la confiance accordées à ces systèmes.

II. L’intelligence artificielle non exempte de challenges et de risques

Effectivement, pour les secteurs critiques où la sécurité est centrale, l’intelligence artificielle reste une technologie qui présente nombre d’avantages mais qui comprend également des inconvénients qu’il faut être en mesure de pouvoir maîtriser (7).

Tout d’abord, les algorithmes d’IA doivent respecter un certain nombre de principes, notamment afficher des valeurs éthiques, comme le fait de ne pas être discriminante. Or, les algorithmes d’IA sont souvent soumis à des problèmes de biais, qui peuvent affecter le fonctionnement des algorithmes en les faisant prendre en compte des paramètres impertinents. Il est ainsi déjà arrivé que des biais amènent des algorithmes d’IA à devenir discriminants. Pour beaucoup, les algorithmes d’IA posent alors des problèmes de confiance. Les biais sont souvent cachés dans les jeux de données et ce même si ces derniers contiennent des données de qualité. Ainsi, pour renforcer la confiance dans les systèmes d’IA il faut être en mesure de pouvoir réaliser des tests pour repérer ces biais et pour évaluer la robustesse des algorithmes face à des perturbations. Également, pour renforcer la confiance, il faut être en mesure de pouvoir comprendre la base sur laquelle l’algorithme prend ses décisions. Or, actuellement un grand nombre de systèmes d’IA se comporte comme étant des « boites noires », c’est-à-dire dont on ne peut expliquer le fonctionnement. Ainsi, l’explicabilité est une dimension sur laquelle les développeurs d’IA doivent travailler pour s’assurer que les algorithmes prennent les bonnes décisions et surtout pour les bonnes raisons.
La robustesse et l’explicabilité semblent alors indispensables pour limiter les risques, notamment éthiques, et instaurer la confiance lors de l’implémentation de l’IA dans les secteurs de la finance, la banque et des assurances (8).

Cependant, une autre difficulté se présente face à l’implémentation de l’IA dans ces secteurs. Effectivement, dans ces milieux les processus de prise de décision sont très complexes, avec des nombres de paramètres qui peuvent être colossaux. Certes les algorithmes d’intelligence artificielle peuvent traiter un très grand nombre de données, cependant le nombre de paramètres à traiter doit rester relativement faible car plus le nombre de paramètres augmente, plus les performances de l’algorithme diminueront (9). Cette observation fait référence au principe de dimensionnalité des données et à la malédiction de la dimension qui frappe l’intégralité des algorithmes de machine learning. Une technique pour pallier à ce problème est de réduire le nombre de paramètres en sélectionnant les plus pertinents. Or, cet exercice n’est pas simple pour les secteurs de la finance qui comprennent de très grands nombres de paramètres, ce qui nécessite des datascientists très expérimentés (10).

Enfin, un dernier risque sera abordé concernant l’utilisation de l’IA dans la finance, les banques et les assurances. Celui-ci concerne les problématiques de sécurité, et plus précisément de cybersécurité. Cette difficulté est inhérente au secteur, qui a historiquement toujours été en proie aux attaques. Les informations qui sont détenues par les secteurs financiers sont critiques, avec des répercussions économiques qui peuvent être très importantes, pouvant amener à la manifestation d’un crash boursier. Protéger les algorithmes est donc un enjeu de cyberdéfense pour faire face aux hackers qui auraient des intentions malveillantes visant à détourner les algorithmes ou à les faire dysfonctionner. Or un algorithme de machine learning peut être difficile à protéger, outre le code, ce sont également les données qui doivent être sécurisées. C’est alors que la robustesse des algorithmes intervient de nouveau car cette dernière peut permettre de faire face à des perturbations qui seraient créées volontairement. Ainsi, la sécurité des algorithmes d’IA est un enjeu majeur car elle représente un risque supplémentaire vis-à-vis de leur implémentation.

Ces défis sont concrètement perçus par les organismes financiers qui s’appliquent d’ores et déjà à y répondre. Ainsi, l’ACPR, qui est l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution intégrée à la Banque de France, a réalisé en 2021 un hackathon dont l’objectif était de réussir à expliquer le comportement de modèles prédictifs de type « boites noires » (11). D’autres initiatives peuvent également être financées par les banques, qui participent ainsi à construire le futur du marché des services financiers et qui facilitent l’adoption des innovations financières. La BPI, Banque Public d’Investissement, participe également à l’essor de ce secteur et à la réponse de ces challenges en produisant des appels à projet tel que les appels de Finance Innovation, visant le développement des fintechs (12).

Même si les enjeux de l’utilisation de l’IA sont reconnus, avec de nombreux avantages à la clé, il n’en reste pas moins que l’implémentation de ces algorithmes reste un véritable défi pour les secteurs de la finance, des banques et des assurances. Ces défis sont à la fois liés à la nature des algorithmes d’IA, mais ils sont également inhérents à ces secteurs qui présentent de fortes contraintes de fonctionnement et de sécurité.

Conclusion

Pour conclure, l’intelligence artificielle permet d’assister les collaborateurs dans un certain nombre de tâches de soutien, de gestion et de protection pour le secteur de la finance, des banques et des assurances. De l’automatisation de tâches récurrentes à faible valeur ajoutée, aux activités de lutte contre les fraudes ou aux activités d’aide à la décision, l’IA est multidisciplinaire et peut efficacement transformer les secteurs. Cependant, comme toujours, l’intelligence artificielle comprend également des problématiques et des défis qu’il faut adresser. Or, pour les secteurs financiers les problématiques de sécurité et de protection des données sont encore plus importantes. Il faut donc particulièrement prendre en compte les aspects de robustesse et d’explicabilité des algorithmes, ainsi que de cybersécurité.

Alors que l’implémentation de l’IA est en plein développement, d’autres technologies pourraient lui être combinées pour sculpter le futur de la finance, des banques et des assurances. Effectivement, les blockchains et les technologies quantiques font parties des investissements technologiques qui pourraient servir également les secteurs financiers.
Concernant les blockchains, leur aspect de sécurisation des opérations est mis en avant, avec des possibilités concernant l’automatisation de transactions financières. Couplé à l’IA, il serait donc possible d’imaginer des processus entièrement automatisés de contractualisation.
Pour les technologies quantiques, l’intérêt principal serait d’augmenter davantage les puissances de calcul et les possibilités de réalisation d’opérations. Ces composantes sont très importantes quand elles sont couplées à l’IA ainsi qu’aux volumes de données et de traitements des services financiers (13).
Ainsi, les enjeux technologiques sont en pleine croissance pour les secteurs de la finance, des banques et des assurances, avec cependant des besoins qui restent forts concernant la sécurisation de ces technologies pour permettre leur plus large implémentation.

 

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Auteurs

Ecrit par Baptiste Aelbrecht & Camille Jullian & Jacques Mosjilovic.

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