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Quelle place pour l’IA dans un poste de commandement ?

08 décembre 2020

L’information a toujours été cruciale pour le commandement, mais les quantités deviennent faramineuses et les équipes d’analystes sont de plus en plus débordées. L’IA se place alors comme un atout majeur.

Quel que soit le niveau de commandement où l’on se place, la guerre est toujours entourée d’un certain “brouillard”. Cela peut être la colline ou le bosquet d’en face au niveau tactique, comme l’orientation de l’effort d’une armée sur un théâtre d’opération au niveau opératif, ou les intentions du commandement ennemi au niveau stratégique. On ne sait jamais vraiment ce qui ce passe sur le terrain, l’information remonte toujours trop lentement, de manière parcellaire et le temps de la recevoir elle est peut être déjà obsolète. Aujourd’hui, les volumes et les vitesses des communications se sont largement améliorés mais le brouillard existe toujours, il se manifeste juste autrement. On peut le voir très simplement par exemple à Mossoul où Daesh avait pu mettre en défaut les drones et les satellites à plusieurs millions de dollars en tendant des draps entre les toits de maisons pour leur bloquer l’observation. Là où les flux d'information sont aujourd’hui beaucoup plus importants et rapides, le goulot d’étranglement devient le traitement de ceux-ci. C’est justement sur ce point que l’IA peut être un outil majeur pour maîtriser les enjeux informationnels qui sont majeurs dans le combat.

La place de l’information dans la boucle de décision :

Prenons l’exemple de la boucle de décision OODA (Observe, Orient, Decide and Act) qui est utilisée en planification OTAN et qui est constituée de 4 phases [1]. La première concerne l’observation, c’est ici une prise et collecte d’information. La seconde est l’orientation, cela correspond à une analyse d’information qui est effectuée à partir de celles collectées et des connaissances de la personne. Il s’agit de créer une modélisation qui aidera à la décision pour une prise d’action. La troisième phase est justement la décision, il s’agit d'émettre une hypothèse concernant le choix de la meilleure possibilité mise en perspective avec les étapes précédentes. La dernière étape est l’action, il s’agit de tester l’hypothèse choisie puis d’observer l’écart par rapport à la réalité (par un retour d’information), ce qui amène à un nouveau cycle avec un retour à l’étape d’observation. Dans toute cette chaine l’information a une place centrale quel que soit le niveau de commandement observé, mais plus le niveau remonte plus l’information devient essentielle.

Les défis de la volumétrie des données :

La problématique grandissante est que l’information constitue des données à la fois volumineuses et hétérogènes. Les informations utiles recoupent les champs  des images, des données électromagnétiques, documents texte, des communications audios… Et leur acquisition peut se faire  de bien des manières différentes : par du renseignement humain ou électronique, des satellites, des remontées des soldats du terrain… Affronter la volumétrie de ces données est devenu un vrai casse-tête, obligeant les postes de commandement de niveau division et corps d’armées à démultiplier les analystes pour traiter en temps et en heure ces flux d’informations [2]. Quand cette croissance du flux dépasse les capacités accessibles de traitement on parle alors “d’infobésité”.
C’est justement pour traiter en temps et en heures ces flots d’information cruciaux dans un poste de commandement l’IA révèle toute son importance.

Le rôle de l’intelligence artificielle dans les postes de commandement :

La fameuse RAND corporation a d’ailleurs publié sur l’importance de l’IA dans les postes de commandement pour le traitement de l’information [3]. Mais en France aussi les atouts pour les États-Major sont perçus [4]. Comme décrit dans un de nos précédents articles, l’IA sert surtout à améliorer les capacités humaines. Le traitement des données est une tâche où les IA excellent et dépassent largement les possibilités humaines. Comme par exemple pour trier l’information, la réduire à ce qui est utile, établir des liens entre les données. Au sein d’une boucle OODA l’IA peut permettre d’accélérer les processus de prise de décision et proposer des options d’actions.
Enfin, l’IA a aussi un gros apport concernant l’étude des signaux faibles, en détectant et identifiant des cas non conformes. C’est crucial afin de lever des alertes plus tôt, y compris en cybersécurité. Avec la menace des armes supersoniques qui imposent un temps de réponse extrêmement rapide, détecter un missile dès qu’il est lancé devient capital.

L’importance de l’IA pour le domaine militaire se renforce tous les jours. C’est un sujet d’intérêt maintenant pour les plus grosses nations et sur lequel elles entrent en compétition [5]. Des interrogations subsistent cependant quant à la forme et les modes d’interaction qu’auront les militaires avec l’IA dans le futur. Un des premiers lieux où les IA pourront prendre pied sera probablement les postes de commandement. Il sera intéressant de voir le rôle qu’auront ces IA au regard de ce qu’elles représentent  pour eux, et au travers de documents présentant les orientations éthiques européennes [6]. A minima elle pourra assister l’homme dans ses tâches, sans agir de façon autonome et donc laisser l’initiative et la décision aux États-Majors [7]. L’IA va probablement occuper une place de plus en plus importante au sein des postes de commandement de niveau division ou corps d’armée. Elle va permettre d’améliorer les capacités humaines et de soulager les États-Major des tâches laborieuses du traitement des flux massifs d’informations qui y remontent. De nombreuses questions restent à traiter quant à l’intégration et la forme de cet outillage dans les postes de commandement. Le plan prospectif pour 2025 - 2030 [8] donne quelques pistes qui illustrent où l’IA sera un enjeu majeur pour les forces armées. Il sera nécessaire de suivre l’évolution de la situation sur cette période.

 

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Auteurs

 

Écrit par Arnault Ioualalen & Baptiste Aelbrecht

 

Sources images :

Image 1 : Pixabay

Image 2 : Pixabay (Pixels)

Image 3 : Joel Rivera-Camacho (Unsplash)

Image 4 : Specna Arms (Pixabay)

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