Un des défis que doit relever l’humanité est de garantir une sécurité alimentaire aux dix milliards d'habitants de la planète attendus pour 2050, et cela en même temps qu’une crise climatique sans précédent.
Le changement climatique vient modifier les rendements et les méthodes de culture en les rendant plus complexes et incertaines (sécheresse, inondations, gel, grêle etc.). La démocratisation de l’IoT et de l’utilisation des technologies d’IA permettent au secteur agricole de s’appuyer sur ces nouvelles technologies pour s’adapter en réalisant sa transformation digitale.
Ces opportunités sont progressivement saisies par les agriculteurs dans le but d'augmenter leurs rendements tout en optimisant leurs coûts. La collecte de données par capteurs, drones ou satellites permet d’établir un suivi des plantations à travers de l’analyse d’images et de données clés telles que l’irrigation et la composition des sols, ou encore de données météorologiques. L’apport de systèmes dotés d’IA liées à l’agriculture vise non seulement à réduire l’impact écologique des cultures du sol, qui reste aujourd’hui, très important, mais aussi à pallier la diminution constante du nombre d’agriculteurs. Rien qu’en France leur nombre a été divisé par quatre en 40 ans en France (1). L’agriculture et plus particulièrement l’agriculture intensive des sols reste l’une des industries les plus polluantes. Cela est dû à l’utilisation massive de pesticides et d’engrais qui contaminent les sols et qui mènent à de nombreuses externalités négatives (pollution des nappes phréatiques, épuisement des sols). La collecte et l’analyse de données permet de détecter et d’anticiper ces problématiques pour ensuite adopter de meilleures pratiques. L’agriculture de précision vise justement à augmenter les rendements tout en adoptant une politique écoresponsable.
Poussée par la PAC (Politique Agricole Commune) adoptée en 1962, l’agriculture s’est modernisée (i) en adoptant massivement la mécanisation (tracteurs, moissonneuses batteuses etc) ; et (ii) en ayant recours aux engrais chimiques et pesticides en dépit de la biodiversité et de la santé des sols cultivés. Si la mécanisation s’est avérée efficace pour augmenter la productivité des exploitations, on assiste aujourd’hui à un défi plus complexe visant à augmenter la productivité des sols tout en réduisant l’impact et les coûts d’exploitation de ces derniers. Aujourd’hui, le secteur de l’agriculture s'oriente vers une robotisation de son activité, assistée par des systèmes d’IA. La robotisation se définit par "l'utilisation d'appareils automatiques capables de manipuler des objets et d'exécuter des opérations selon un programme qu'il est possible de modifier” (2). Ainsi l'agriculteur verra sa charge de travail allégée sur les tâches chronophages et répétitives, pour pouvoir ainsi se focaliser sur des tâches à plus haute valeur ajoutée telles que le maintien de la qualité des sols.
La robotisation de l’agriculture des sols progresse et est déjà présente dans de nombreux cas pratiques comme en Floride avec le robot automatisé de l’entreprise Agrobot Robotic visant à récolter, sans intervention humaine, les fraises d’un champ. Ce dernier fonctionne grâce à un système d’IA d’analyse d’images en temps réel lui permettant de récolter seulement les fraises mûres.
Cependant, la mécanisation et la robotisation assistée par des systèmes d’IA nécessitent que les robots soient adaptés à chaque nouveau domaine d’usage envisagé. Par conséquent on pourrait assister à une uniformisation des cultures et à une intensification de la production agricole (4). C’est d'ailleurs l’une des limites à la mécanisation/robotisation de l’industrie agricole. L’homogénéisation de l’environnement débouche parfois sur la destruction de l'écosystème et de la biodiversité entourant les champs agricoles. Par exemple, un robot agricole ne saurait réaliser sa mission si des obstacles peuvent entraver son chemin. En effet, il est techniquement possible de programmer un système plus performant pour faire face à ces obstacles mais pour des raisons économiques et par souci de simplification, il est plus aisé d’uniformiser la plantation plutôt que de complexifier le système robotique. Ainsi, la simple présence d’une haie, d’un ruisseau ou d’un fossé viendrait mettre à mal le robot dans son fonctionnement de par le fait qu’il n’est pas entraîné pour faire face ou contourner ce type d’obstacle fortement variable.
Cependant l'agriculture de précision présente aussi de nombreux avantages visant à réduire les coûts et la consommation de ressources lors du cycle d'exploitation. L’utilisation de systèmes d’IA permet notamment de détecter de manière très précise les parcelles d’un champ requérant réellement l’apport de certaines ressources (eau, engrais, pesticides). Pour cela le système peut s’appuyer sur de l’analyse d’images provenant de drones ou de satellites. Ainsi, lorsqu’un nuisible (mauvaise herbe, insecte) se propage sur certaines parcelles d’un champs, le drone est maintenant capable de venir diffuser le produit phytosanitaire sur les parcelles contaminées alors qu’auparavant l'agriculture était amenée à diffuser de manière homogène le pesticide sur l’entièreté de sa culture. Cette technologie permet de consommer moins et mieux de produits nuisibles à la biodiversité avec en moyenne 20% de produits consommés en moins (3).
L’agriculture de précision semble être une solution intéressante pour résoudre une partie des futurs défis de l’agriculture. Néanmoins, cette dernière nécessite des investissements importants, difficilement engageables pour de nombreux agriculteurs. La conversion vers la robotisation a un impact direct sur le prix de vente final du consommateur, pouvant venir déstabiliser la compétitivité d’une filière.
Écrit par Arnault Ioualalen & Léo Limousin