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L’intelligence artificielle, au service du renseignement ?

25 novembre 2021

L’intelligence artificielle est une solution qui peut assister les employés du renseignement. Mais il est peu probable qu’elle soit amenée à les remplacer et ce pour plusieurs raisons.

Certaines raisons sont d’ordre éthique mais d’autres simplement d’ordre technique, en effet l’IA présente aussi des limites. Le domaine du renseignement fournit justement un bon exemple de cas d’application où l’IA démontre aussi bien son efficacité que ses limites. Par exemple, cette technologie serait utilisée dans la lutte contre le terrorisme par le Royaume-Uni [1], afin de repérer les signaux faibles indiquant que des personnes envisagent de commettre des actes terroristes. Une étude américaine aborde par ailleurs le sujet de l’IA pour le contre-terrorisme et en souligne différents défis [2]. Effectivement, comme les attentats sont (heureusement) très peu fréquents, ces signaux faibles restent très rares. Or pour faire l'entraînement d’une IA capable d’identifier ces signaux faibles il faut une certaine quantité de données, qui n’est du coup pas forcément disponible. De même les personnes perpétrant ces actes changeant régulièrement d’organisation et de manière de s’organiser, l’apprentissage des IA risque d’être toujours en retard par rapport aux signaux qu’elles doivent détecter. Parmi cet ensemble limité de données, les profils restent également trop variés pour permettre de découvrir un modèle de comportement qui soit suffisamment uniforme. L’IA ne serait alors pas performante et le profilage pourrait même devenir discriminatoire (en ciblant certaines ethnies par exemple). Ainsi l’intelligence artificielle ne devrait pas être utilisée pour effectuer en autonomie des analyses dans le cadre du contre-terrorisme. Elle sera plutôt amenée à être utilisée pour assister l’expert dans ses analyses en étendant ses capacités de traitement d’informations, mais elle ne le remplacera pas [3].

1) L’intelligence artificielle et le renseignement

Tout d’abord, faisons un point sur le rôle et l’état actuel de l’intelligence artificielle pour le renseignement. Il est facile de comprendre pourquoi cette technologie a attiré l’attention des agences de renseignement. En outre, la promesse du traitement automatisé de vastes volumes d’information par de l’IA représente une réelle valeur ajoutée pour ces dernières. La CIA a par ailleurs conduit en 2017 environ 140 projets pilotes autour des technologies d’intelligence artificielle.

Les capacités de calcul des IA et ses performances sur les tâches de reconnaissance de motifs (pattern recognition) ou encore d’agrégation (clustering) sont de vrais atouts. Effectivement, le directeur de la National Geospatial-Intelligence Agency s’est exprimé en juin 2017 en indiquant que 75% du travail d’analyse et d’interprétation des images collectées par son agence pouvait être confié à des IA. En l’état actuel des processus et de la croissance des volumes de données, pour tenir la cadence l'agence devrait recruter 8 millions de personnes dans les 15 ans pour tout traiter. La solution est donc d’utiliser des algorithmes sur des volumes de données pour en extraire les informations pertinentes et les transmettre à des opérateurs humains pour être traitées [4].